Les chiffres sont têtus : l’intox du ministre
Pour justifier une économie à réaliser sur le dos des agents malades, estimée à 1,2 milliards d’euros, le ministre de la fonction publique invoque deux arguments : une hausse des absences pour raison de santé dans la fonction publique et l’équité avec le secteur privé. Cependant, les données issues du dernier Rapport Annuel de la Fonction Publique (RAFP), publié le 15 novembre, et la comparaison à toute chose égale avec le secteur privé démontrent que cette justification est fausse.
Le RAFP montre, chiffres à l’appui, que les absences pour raison de santé sont en baisse en 2023 dans tous les versants. Les chiffres brandis par le ministre incluaient en effet les arrêts maladie générés par le COVID. Dans les faits, pour la période 2014-2019 les arrêts maladie sont restés à un niveau moyen similaire au secteur privé. Ce n’est qu’à partir de 2020, à cause de l’épidémie de COVID, que les absences pour raison de santé ont connu une augmentation. Le dernier RAFP est sans équivoque : cette hausse a pris fin en 2023 et ce dans tous les versants comme dans le secteur privé. Elle n’a aucun lien avec le jour de carence et ne peut signifier une propension délibérée et choisie par les agents de s’absenter davantage pour raison de santé ce que sous-entendent les allégations du ministre.
La comparaison invoquée par le ministre avec le secteur privé ne prend pas en compte les différences qui existent avec les caractéristiques de la population de la fonction publique : plus de femmes, plus de séniors et la pénibilité des métiers en particulier dans la fonction publique territoriale et hospitalière. Elle ne s’intéresse nullement à la dégradation des conditions de travail, à l’allongement de la durée du travail ni à l’augmentation des risques psychosociaux qui selon la Dares auraient doublé. Comme par enchantement, si l’on prend en compte la réalité des situations, à caractéristiques égales, tant personnelles que celles de l’emploi, l’écart avec le secteur privé disparait.
De plus, la baisse de la rémunération et le triplement de jours de carence n’est pas une mesure d’équité avec le privé puisque plus de 70 % des salariés du privé bénéficient d’un accord de branche ou d’entreprise qui prend en charge à 100 % leur maintien de salaire, dès le premier jour en cas d’arrêt maladie.
Mais la note à payer sera salée pour les agents publics. Selon « Sens du service public », un arrêt de 5 jours générera une perte de 215 € pour un agent de catégorie C et 320 € pour un agent de catégorie A. A titre d’exemples, pour une entorse grave à la cheville un arrêt de 14 jours produira une perte de 410 € pour un agent de catégorie A, 317 € pour un agent de catégorie B et 278 € pour un agent de catégorie C. Pour une otite moyenne aigüe, un arrêt de trois jours correspond à une perte de 300 € pour un agent de catégorie A, 229 € pour un agent de catégorie B et 201 € pour un agent de catégorie C. De plus, ces mesures pénaliseront davantage les femmes (63 % de l’effectif) et les séniors (36 % des agents ont plus de 50 ans).
Ces mesures injustes et injustifiées vont favoriser le présentéisme. Si les agents continuent à travailler s’ils sont malades leur état de santé physique et psychique va s’aggraver ce qui générera des arrêts plus longs qui coûteront encore plus cher. Des mesures estimées inefficaces par des chercheurs.
Pour l’UNSA Fonction publique, les arguments du ministre ne sont pas fondés sur la réalité des situations, mais sur une volonté de faire des économies sur le dos des agents malades. Elle appelle donc les agents à se mobiliser massivement le 5 décembre, y compris par la grève contre ses mesures iniques et inacceptables.