Travail de nuit : les connaissances et les moyens d’action progressent.
L’INRS* a organisé, le 11 mars dernier, un colloque pour faire le point sur les avancées de la recherche sur le travail de nuit afin de nourrir les actions préventives dans ce domaine. En effet, le travail de nuit concerne en France plus de 19 % des travailleurs dont un grand nombre dans la fonction publique. Cette journée vient compléter celle sur l’état des connaissances organisée en 2016.
L’Homme est un «animal diurne» et n’est pas adapté au travail de nuit. Les évolutions de la société induisent des évolutions du temps de travail, le juste équilibre de 8 h est remis en question par la variabilité des horaires dans la semaine. La flexibilité du travail va de pair avec la variabilité du marché du travail. Cela a de multiples conséquences sur la santé des travailleurs, liées à la désynchronisation et à la dette de sommeil. Le travail de nuit génère un coût pour la santé des agents et des salariés, pour les administrations et les entreprises mais il a aussi des conséquences sur la vie sociale et familiale. Ces conséquences sont sous-évaluées et mal prises en compte. De nombreux progrès restent à faire en matière de prévention.
Les conséquences multiples sur la santé des travailleurs
· Troubles psycho-nerveux (effet sur la santé psychique),
· Maladies cardio-vasculaires, hypertension artérielle, risque d’AVC, maladies coronariennes,
· Troubles du sommeil (somnolence, durée et qualité du sommeil),
· Accidents du travail et blessures (la fréquence des accidents du travail est multipliée par 4),
· Troubles de la fertilité, de la gestation (complication des grossesses),
· Troubles gastro-intestinaux,
· Réduction des performances au travail (performance cognitive, troubles de l’attention),
· Risques métaboliques liés au surpoids et à l’obésité (le diabète de type 2 augmente de 5 % tous les 5 ans de travail posté),
· Perte des rythmes biologiques,
· Cancers (sein, prostate, colo-rectum, endomètre, tumeurs),
· Détérioration de la vie familiale et sociale.
Les effets de ces horaires varient en fonction des personnes car ils dépendent à la fois de facteurs individuels (comme le chronotype) et sociaux. Le secteur d’activité, le fait que ce soit un choix imposé (contraintes économiques), peuvent avoir une influence sur la tolérance individuelle à cette organisation de travail.
Le corollaire est un coût global mondial estimé à 377 milliards de dollars.
Les recommandations des chercheurs
· Limiter autant que possible le travail de nuit en analysant pour chaque activité sa pertinence,
· Préférer des horaires stables à des horaires alternants,
· Préférer des rotations rapides (de nombreux débats sont en cours sur cette question) en faisant attention aux chronotypes,
· Préférer les rotations en retard de phase,
· Eviter le début du travail trop tôt le matin,
· Laisser au moins 11 h entre deux services (directive temps de travail),
· Augmenter la vigilance durant le travail en augmentant la lumière sur les postes de travail,
· Eviter la lumière, même de faible intensité, durant le sommeil de jour,
· Faire des siestes avant le poste de nuit pour faire une provision de sommeil ou des siestes pendant le poste, plutôt courtes,
· Veiller pendant les jours de récupération à l’hygiène du sommeil, aux heures de repas et aussi à pratiquer une activité physique,
· Suivre l’état de santé des travailleurs de nuit même après qu’ils aient cessé d’être sur ces postes,
· Former et informer les employeurs, les agents, les salariés et leurs représentants,
· Organiser une consultation lorsqu’il y a des changements organisationnels afin de prendre l’avis de l’ensemble des personnes impliquées,
· Associer les travailleurs et leurs représentants, le CT, le CHSCT, pour définir les choix d’horaires, les rythmes de travail et s’assurer de la prise en compte des chronotypes,
· Planifier les projets chaque fois que l’on introduit de nouveaux horaires de travail.
Pour faire progresser la recherche, les intervenants ont préconisé une meilleure caractérisation de l’exposition au travail de nuit et le fait de tenir compte de l’ensemble du parcours professionnel pour appréhender plus finement les effets sur la santé des horaires de nuit ou du travail posté.
Pour l’UNSA Fonction publique, toutes ces pistes doivent contribuer à nourrir le futur plan de santé au travail (PST) prévu pour cette année et les travaux des instances concernées par du travail de nuit ou posté. Tous les agents qui travaillent la nuit ou en travail posté doivent être informés, formés sur les mesures préventives à adopter et doivent faire l’objet d’un suivi particulier par la médecine du travail même après leur retour sur des postes diurnes.
*Institut national de recherche et de sécurité